C’est au dernier tiers du XXe siècle
qu’émergent des “ mouvements lycéens ”.
Auparavant, s’il y avait eu des lycéens en action, on parle
plutôt de la “ manifestation étudiante ” du 11
novembre 1940 à l'Etoile … pourtant à 80-90% composée
de lycéens Il en va de même pendant la guerre d’Algérie,
où c’est de l’UNEF qu’on fait état.
A partir du milieu des années 1960 - avec la
formation des Comités d'action lycéens (CAL) – s’affirme
un mouvement spécifique passant de la dépendance à
l’autonomie.
Ce sont des mouvements uniquement lycéens (affaire Guiot 1971,
loi Debré 1973, réformes Fontanet et Haby 1974 et 1975,
mouvements des lycées professionnels en 1979/1980, mouvements sur
les budgets et pour les droits des élèves en 1990, 1998
et 1999), ou avec participation lycéenne importante (derrière
le mouvement étudiant en 1976, 1986 et 1994). On distingue deux
grandes vagues, celle des “ années 1968 ” puis celle
postérieure au mouvement “ Devaquet ” .
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DES CONSTANTES DU REPERTOIRE D’ACTION.
La contestation lycéenne atteint toutes les
institutions considérées comme répressives
: d’abord l’Ecole elle-même (1974 réforme Fontanet,
1975 et 1976 réforme Haby), la police et la justice (1971 affaire
Guiot), la famille et l’armée (1973 Loi Debré et Larzac)
sans oublier l’enseignement technique, où est associée
à la dénonciation du “ CET caserne ” celle du
“ CET usine ”.
A l’inverse, après 1986 (Loi Devaquet)
les revendications paraissent plus concrètes.
Il ne s’agit plus de crier “ à bas l’école
des flics et des patrons ”, mais au contraire d’affirmer un
droit à s’intégrer dans la société telle
qu’elle est. La “ saisonnalité ” même des
mouvements généralisés diffère. De 1968 à
1976 ce sont des grèves printanières à la fin du
deuxième trimestre, après les conseils de classe, “
grèves ras-le-bol ” permettant de décompresser tels
les “ chahuts ” d’antan.
Les mobilisations de 1986, 1990, 1998 et 1999 se situent, elles, en
automne, partant des lycées de la périphérie
en réaction à de “ mauvaises conditions d’étude
et de rentrée ” et, contrairement à celles
des années 70, débouchent, sur des victoires des
lycéens : (retrait du projet en 1986, plan d’urgence de 4,5
milliards de francs en 1990, reconnaissance des “ droits des lycéens
)
A un certain “ idéologisme ” des années 68,
(contestataire de l’ordre social et dénonciatrice de la société,
succéderait un “ pragmatisme ” des années 1986/1990
marquant une volonté “ d’intégration ”
à cette même société. Cette opposition simpliste
mérite examen plus attentif.
Demeurent des constantes. En mai 1968, on note le caractère concret
des “ cahiers de revendications ” ou
de “ doléances ” des lycéens. sur la pédagogie,
les réformes des études, les débouchés.
La crainte du chômage, ou de la déqualification, y apparaît
également forte. On trouve également la dénonciation
de locaux vétustes, l’insécurité, l’inadaptation
du matériel.
NAISSANCE ET RENAISSANCES DES MOUVEMENTS LYCEENS
La période 1966/1976 voit un mouvement lycéen
prendre naissance, puis trouver son autonomie vis à vis
des mouvements étudiants jusqu’à devenir le principal
acteur des mobilisations de la jeunesse.
Les modifications du calendrier des vacances scolaires
qui ne seront plus, pour celles d’hiver et de Pâques, uniformes
à l’échelle nationale, vont rendre plus difficiles
ces mouvements nationaux de Printemps. |
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Le mouvement du printemps 1973
contre la “ Loi Debré ” marque l’apogée
d’un mouvement lycéen qui s’étend tant en âge
avec la présence importante d’élèves de 3ème
ou de 4ème, que géographiquement avec 250 villes touchées
lors des
manifestations des 22 mars et 2 avril.
Cette fois, ce sont les lycéens qui ont entraîné les
étudiants dans la grève. Une coordination se forme.
La deuxième période s’ouvre à partir du mouvement
contre la loi Devaquet (1986)
On constate le même processus d’émancipation des mouvements
lycéens vis à vis des étudiants. Là, la coordination
étudiante prend l’initiative, organise l’action , les
lycéens suivent mais sont la masse des manifestants.
En 1990, 1991, 1998 et 1999, ce sont des mobilisations spécifiquement
lycéennes. A la différence des années 1970, aucune
coordination unifiée et représentative.
SUR FOND DE MUTATIONS SOCIOLOGIQUES ET DE CHANGEMENTS POLITIQUES
La crainte du chômage consécutive à la crise économique
depuis 1973 se traduit dans les revendications,
et transforme les attentes. D’une révolte dirigée
contre une institution qui n’offre plus ni
le prestige, ni la promotion espérés, l’on
passe à des
mouvements de défense de l’école et des diplômes
désormais considérés comme bouclier contre le chômage.
Multiplication des lycéens et des lycées.
En l’espace d’une génération, l’expansion
des effectifs et les réformes ont profondément remanié
le secondaire. On y comptait 800 000 élèves dans le 2nd
cycle en 1960, le triple en 1997. Le nombre d’établissements
croît, comme le nombre de villes dotées de lycées.
La situation matérielle se dégrade, elle sera au centre
des récents mouvement de 1990.
Aspects et formes des mobilisations changent aussi, avec la massification
” et la “ nationalisation ” des manifestations. L'encadrement
militant s'avère par plus limité.
Lycées et lycéens connaissent une profonde mutation.
C’est aussi la qualité du “ lycéen ” et
du “ lycée ” qui change. Le “ lycée unique
” n’étant plus celui d’antan : existent les LEP
(lycée d’enseignement professionnel) en 1979, puis lycée
professionnel.
Une des causes du “ malaise ” lycéen, vient de l’effet
du nombre, la déception frappe ceux qui découvrent
que le prestige du lycée n’est pas celui qu’ils avaient
espéré
Les rapports, entre jeunes de milieux populaires a sans doute contribué
à nourrir des phénomènes de violence plus inédits
et contemporains. Les mouvements lycéens sont devenus ceux des
“ nouveaux lycéens ” d’origine populaire. L’épicentre
de l’action collective s’est ainsi déplacé des
villes vers les banlieues.
RECONNAISSANCE OU INSTITUTIONNALISATION
Dans l’après 1968, La loi Faure permet l’élection
de délégués de classe et dans le conseil d’administration
du lycée.
Le changement de majorité en 1981 transforme les rapports, désormais
plus institutionnalisés, avec les mouvements et
syndicats étudiants, mais pas immédiatement du côté
des lycéens.
Puis il y a alors rencontres entre mouvements lycéens
et gouvernement. (en 1990, c’est le Président de la
République, François
Mitterrand lui-même, qui reçoit une délégation
de lycéens à l’issue d’une manifestation. En
1998, Claude Allègre reçoit les représentants de
trois organisations (La FIDL, l’Union nationale des lycéens
et le Collectif inter académique lycéen).
La représentation lycéenne se voit officiellement reconnue
à partir de 1990, avec la participation des délégués
lycéens Conseil supérieur de l’Education nationale,
la création des Conseils académiques de la vie lycéenne,
et d’un "Conseil nationale de
la vie lycéenne" Des circulaires précisent les droits
à l’expression collective, de publication ou de réunion.
Est-on donc passé de la contestation à
la reconnaissance ou à l’institutionnalisation ?
Le problème de l’autonomie des lycéens, comme de tout
mouvement de jeunes, c’est qu’il ne
peut assurer de stabilité qu’appuyé sur un soutien
extérieur : syndicats, ou partis adultes, “ grands
frères ” étudiants, ou bien Etat et administrations.
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1973 : Manifestation contre la loi Debré
(suppression du sursis pour le le service national)
Le projet de loi Devaquet en 1986 visait à une
telle autonomie des universités et à l’instauration
d’une sélection dès l’entrée à
la fac.
Il a été balayé par la grève générale
des étudiants, deux puissantes manifestations à l’Assemblée
nationale et la menace imminente de la grève générale
de l’enseignement.
Le 6 décembre 1986, Malik Oussekine, 22 ans,
meurt lors de la répression d'un mouvement contre la réforme
universitaire du ministre Alain Devaquet.
Etudiant à l’école supérieure des professions
immobilières (ESPI), il n’était pas directement impliqué
dans les manifestations qui rejetaient le texte voulant instaurer la sélection
à l’entrée de l’université.Il fut matraqué
par des policiers, alors qu'il s'était réfugié dans
un hall d'immeuble.
Le ministre de l'Intérieur était alors Charles Pasqua et
son secrétaire d'État, Robert Pandraud. Cette mort a contraint
le Premier ministre, Jacques Chirac, à retirer
le projet Devaquet, le 8 décembre 1986, et poussé Alain
Devaquet, le ministre délégué, chargé de la
Recherche et de l'Enseignement supérieur, à la démission.
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